Il a, du reste, touché au bon endroit, car nous savons maintenant — et le docteur Esperanto nous l’a démontré — que Schleyer aurait dû d’abord faire ses mots et y adapter ensuite sa grammaire : tel le petit enfant qui commence à ne dire que des mots isolés pour les assembler ensuite, peu à peu, en combinaisons grammaticales. Là était donc le point autour duquel devait pivoter le problème d’une langue universelle, et c’est là que le docteur Esperanto a placé sa Lingvo internacia ; voilà pourquoi il est arrivé à un résultat tout autre, tout opposé à celui de Schleyer.
Les mots ont rendu Schleyer esclave de ses formules grammaticales : de là l’obligation d’établir des règles étranges, comme celle-ci, par exemple, où chaque mot doit commencer et finir par une consonne ; et, pour s’être fermé ainsi à lui-même le trésor naturel, dans lequel il aurait pu puiser les radicaux nécessaires, il a dû avoir recours aux nombreuses inflexions de voyelles æ, œ, ü, dont la prononciation est si difficile pour la plupart des peuples de l’Europe et que l’Académie de Volapük, après de longs débats, n’a pas réussi à faire disparaître. Nous aurions sans cela à présent un Volapuk à la place d’un Volapük. C’est l’English Philological Society de Londres qui a prononcé cette sentence : « Volapük must be taken as it is or left », c’est-à-dire « Le Volapük doit être adopté tel qu’il est ou abandonné ». C’est ce que, du reste, j’avais fait remarquer à un des écrivains volapükistes les plus autorisés qui m’écrivit : « Le Volapük, tel qu’il est maintenant, a, il est vrai, beaucoup de défauts ; ainsi, après huit années d’existence il ne peut encore être employé pour la conversation, et, du reste, les deux tiers de ses mots doivent être refaits ».
Je répondis « S’il en est ainsi, il est préférable que nous rejetions encore le troisième tiers et que nous abordions un autre système qui ne présentera pas tous ces défauts. »
Ce système, c’est justement celui du docteur Esperanto à la publication duquel je travaillais à cette époque en faisant ma grammaire de la Lingvo internacia qui, parue depuis trois mois seulement, a déjà amené un grand nombre d’adhérents, tant en Europe qu’en Amérique.
Si, cependant, on avait voulu m’écouter dans le clan volapükiste on ne se serait pas laissé berner dans certains