sa tête et n’a pas pris de sabots pour mieux courir. Le gars de Viel, qui la voit passer, rigole parce qu’un bout de chemise sort de son cotillon par derrière.
La Marie-Jeanne se hâte et s’affole davantage de ne rencontrer personne sur son chemin. Elle dépasse l’usine Rochefortaise et, brusquement, le vent du large la heurte comme pour l’empêcher d’avancer. Ils sont tous en bas, dans les roches, les gens du village ; elle les aperçoit. Ah ! comme son cœur tape !… Et ce vent qui la prend à la gorge ! le sable qui fuit sous son pied !… et cette mer méchante qui crie autour d’elle comme une meute de gamins moqueurs !…
D’ailleurs les jambes lui manquent !… Qu’est ce qu’ils font donc là-bas penchés sur l’eau ?… Il faut qu’elle se dépêche, qu’elle arrive vite, vite…
Mais elle s’arrête net en découvrant la masse claire d’une barque jetés sur le flanc parmi les roches. Oh ! leur bateau ! leur si beau bateau !…
Il gît lourdement sur le côté, dans la position déséquilibrée des choses mortes. Ses fonds apparaissent labourés de blessures blanches et crevés à jour. Il se vide lentement de l’eau embarquée, ainsi qu’une énorme bête abattue qui saignerait. Oh ! leur bateau ! la barque rêvée ! la barque conquise, la barque qui portait un souvenir d’amour