Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/170

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C’est pour cette chair qu’il l’avait épousée jadis, aux Sables-d’Olonne, bien qu’elle eût déjà pas mal traîné, comme la plupart des filles de ce pays, à la charpente et aux traits forts, aux yeux insolents, aux hanches vives.

Elle travaillait à la sardine et on l’appelait « marée montante » à cause de la glorieuse poitrine qui, dès sa puberté, souleva son corsage comme un flux. Quand il la vit, Gaud tomba dans l’amour, comme à la mer, et s’y noya. C’est que les hommes qu’une femme a empoignés par sa peau sont perdus sans rémission. On endort peut-être bien son cœur en le berçant avec des chansons, mais on ne calme point sa bête, à moins de l’égorger.

Le gars, qui naviguait au thon, embarqua sur une sardinière, parce qu’il ne pouvait vivre une semaine à la mer, avec l’inquiétude de sa femme abandonnée à terre. Il lui fallait revenir chaque soir au port où il retrouvait la Gaude parmi les piles de paniers, les mannes de sel qui sent la violette, les bottes de fougères et les balles où tremble l’argent bleu des sardines. Mais las de la prendre trop souvent à rire et à trinquer avec des hommes, il entra chez un mareyeur pour demeurer sur les quais et tenir sa femme à l’œil.

Elle le supporta avec une grande égalité d’humeur, plaisantant ses surprises, riant des scènes,