— La rincette à l’équipe, quoi !
Les torses fument au travers des maillots et les cous et les bras sont brillants de sueur. Quelques-uns s’essuient et mettent une vareuse. La plupart rigolent et boivent, insouciants de leur corps robuste et jeune. Des amis livrent des litres à pleins paniers. Il s’élève un rude fumet de mâle et de vinasse jusqu’au quai où les femmes regardent. On échange de lourde galanterie, on se siffle, on s’appelle. Sans savoir comment P’tit Pierre se trouve soudain dans un canot à trinquer avec les marins.
Il boit avec orgueil à la bouteille qu’on lui passe comme à un égal. Il touche les grands avirons, les jolies gaffes en cuivre. On l’appelle encore « mousse » et il répond « patron », ce qui fait rire autour de lui. Et puis il débarque avec son frère et toute une bande.
Depuis lors il voit un tas de choses merveilleuses. Une vedette astiquée comme le chaudron de la mère Bernard, avec des tapis et un drapeau qui traîne à l’eau, et où on lui dit que se tient l’amiral. Un navire monumental qui sort par les grandes portes pour emporter dans des Amériques imaginaires ces gens qui agitent des mouchoirs sur le pont. Des canots automobiles qui volent à la crête d’une vague dans un ronflement. Des yachts furtifs, des torpilleurs, des nageurs