Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/78

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calmes. D’autres chœurs s’enlevaient sur d’autres barques. Les sloops prenaient la file le long de la terre blonde ; et déjà la rade de la Chaise apparaissait peuplée de voiles, sous le grand bois de chênes poussé dans la falaise.

Les barques arrivent, décrivent d’un coup d’aile un demi-cercle dont la trace persiste, et, leur aire cassée, glissent encore, s’arrêtent, les voiles inertes, comme on meurt après un dernier soupir. Ce sont les chaloupes de l’Epoids, noires et rondes, aux voiles cambrées ; les Pornicaises peintes et les cotres des Sables, puissants près des Noirmoutrains aux culs grêles ; ce sont des Bretons, ténébreux, dressant haut leurs deux mâts sans haubans, comme des pieux ; et puis des yachts, aux coques glacées, aux ponts blancs éclairés de cuivres ; des régatiers fuselés, ras l’eau comme des pirogues, dominés d’effarantes voilures. Des canots, des youyous circulent. Les ancres mouillent avec fracas, les poulies chantent en plaintes rythmiques ; des voix hèlent des voix ; des chansons, des rires, des jurons passent. C’est tout un tumulte sans violence, dilué dans l’air immense, amorti par l’eau ; un mouvement joyeux qui occupe l’adresse et la force des hommes ; une cohue d’embarcations actives ; ce sont des maillots bleus, des pantalons blancs, des éclats de vernis, de ripolin, et sur la mer les reflets verts, jaunes, rouges des grand’-