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Page:Eliot - La Conversion de Jeanne.djvu/184

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SCÈNES DE LA VIE DU CLERGÉ

la réveiller au plus profond de la nuit pour lui raconter cela. Sa mère la prendrait pour un fantôme : la frayeur pourrait tuer la pauvre vieille dame ! Et le chemin était si long…, si elle venait à rencontrer quelqu’un… ; cependant il faut qu’elle cherche un abri, un endroit pour se cacher. Cinq maisons plus loin est la porte de Mme Pettifer ; cette bonne femme la ferait entrer. Il ne servait à rien maintenant d’être fière et de s’inquiéter que le monde le sût ; elle n’avait plus rien à désirer, plus rien dont elle dût s’occuper ; seulement elle ne pouvait s’empêcher de frissonner à l’idée de braver la lumière du matin, là, dans la rue — elle avait peur du froid. La vie n’est qu’angoisse, que désespoir ; n’importe — oh ! elle doit s’y cramponner, même avec des doigts sanglants ; ses pieds doivent tenir à la terre que le soleil visitera encore, et non glisser dans un abîme inconnu, où elle pourrait regretter les douleurs qu’elle connaît.

Jeanne s’avança lentement sur le rude pavé, tremblante aux rayons capricieux de la lune et s’appuyant contre le mur, tandis que le vent l’enveloppait de ses bouffées. Le vent même était cruel ; il cherchait à la repousser de la porte où elle allait implorer la pitié.

La maison de Mme Pettifer n’avait pas vue sur la rue du Verger ; elle était un peu vers le haut d’un passage qui ouvrait sur la rue par une arcade. Jeanne entra dans le passage et vit une