Aller au contenu

Page:Eliot - La Conversion de Jeanne.djvu/28

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
24
SCÈNES DE LA VIE DU CLERGÉ

de taille moyenne, insinuant et à voix argentine ; Pilgrim était grand, gros ; ses manières étaient rudes et sa parole hésitante. Tous deux étaient réputés pour leur talent de conversation ; mais les anecdotes de Pratt avaient cette belle vieille qualité corsée que l’on ne pouvait trouver que dans Joe Miller ; celles de Pilgrim avaient la pleine et franche saveur de la médecine toute récente. Pratt attribuait élégamment toutes les maladies à la faiblesse et, avec un dédain convenable pour le traitement symptomatique, allait à la racine du mal avec du porto et du quina ; Pilgrim était convaincu que, dans le système humain, le mauvais principe était la pléthore, et il lui faisait la guerre avec les ventouses, la saignée et les vésicatoires. Ils étaient tous deux établis depuis longtemps à Milby, et ils avaient chacun une clientèle suffisante ; il n’y avait pas entre eux de rivalité bien maligne ; au contraire, ils avaient l’un pour l’autre cette sorte de dédain amical qui amène toujours une bonne entente entre gens de même profession ; et lorsque quelque nouveau praticien mal inspiré essayait de s’établir dans la ville, on avait une démonstration frappante de l’insuffisance de certaines différences d’opinion au point de vue purement théorique, comparées avec la large base du sentiment de communauté humaine. Il y avait là une parfaite unanimité entre Pratt et Pilgrim, dans la détermination d’expulser le plus