Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/108

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

connaissances. À Freshitt et à Tipton, l’opinion, il est vrai l’avait déclarée une personne de mérite ; mais, si cette épithète ne s’applique qu’à une certaine capacité d’apprendre et d’agir, étrangère au caractère même, elle n’était pas faite pour elle.

Toute son acidité d’apprendre venait chez elle d’un courant intérieur de mobiles sympathiques qui entraînait habituellement toutes ses idées et toutes ses impulsions. Elle ne demandait pas à faire étalage de sa science ni à s’en servir en dehors du champ matériel de ses actions ; si elle avait écrit un livre, elle l’aurait fait, comme sainte Thérèse, sous l’impulsion d’une puissance supérieure contraignant sa conscience. Mais elle aspirait à je ne sais quoi d’indéfini qui pourrait remplir sa vie d’une tâche à la fois rationnelle et passionnée ; or, comme le temps des visions célestes et des voix d’en haut était passé, comme la prière élevait ses aspirations sans pour cela l’instruire davantage, quelle autre lampe conductrice lui restait-il que la science ? c’étaient évidemment les hommes instruits qui possédaient l’huile de cette lampe, et quel homme était plus instruit que M. Casaubon ?

Ainsi, durant ces courtes semaines, la confiance joyeuse et reconnaissante de Dorothée ne faiblit pas un instant, et, si son amoureux ressentit parfois une sorte de lassitude ou d’affaissement, il ne put jamais l’attribuer à un relâchement dans l’intérêt affectueux que lui portait sa fiancée.

La saison était assez belle encore pour les encourager dans leur projet de pousser jusqu’à Rome leur voyage de noces, et M. Casaubon, désirant consulter certains manuscrits du Vatican, y tenait beaucoup.

— Je regrette pourtant que votre sœur ne vous accompagne pas, dit-il un matin, quelque temps après qu’il eut été prouvé que Célia se refusait à être du voyage et que Dorothée ne le souhaitait pas davantage.