Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/139

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vous. Allons, c’est un marché fait. Là, donnez-moi votre bras. Je vais essayer de faire le tour de la chambre.

Fred, tout irrité qu’il fût, avait en lui assez de sensibilité pour plaindre ce vieillard auquel personne ne portait ni affection ni respect, et qui, marchant péniblement avec ses jambes enflées, semblait plus digne de pitié que jamais. Tout en lui donnant le bras, il se trouvait heureux de n’être pas lui-même un vieillard épuisé, à la santé détruite ; il s’arrêta de bonne grâce, d’abord devant la fenêtre pour entendre les remarques habituelles de son oncle sur les pintades et sur la girouette, puis devant la petite étagère à livres dont les gloires principales étaient : Josephus, Culpepper, la Messiade de Klopstock et quelques volumes du Gentleman’s Magazine.

— Lisez-moi les titres des livres ; allons, mon ami, vous avez été au collège, vous.

Fred lui lut les différents titres.

— Quel besoin missy avait-elle de nouveaux livres ? Pourquoi lui en apportez-vous toujours de nouveaux ?

— Pour la distraire. Elle aime la lecture.

— Elle l’aime trop. Elle voulait se mettre à lire quand elle était auprès de moi ; mais j’y ai coupé court. Elle me lit mon journal à haute voix tous les matins, et cela suffit pour la journée, à ce qu’il me semble. Je ne puis souffrir la voir lire pour elle-même. Retenez bien ce que je vous dis, et ne lui apportez plus de livres, entendez-vous ?

— Oui, monsieur, j’entends.

Fred avait déjà reçu la même dépense auparavant, et y avait secrètement désobéi. Il comptait bien y désobéir encore.

— Sonnez, Fred, dit M. Featherstone. Je désire que Mary descende.

La conversation de Rosemonde et de Mary avait eu plus d’animation que celle de leurs amis de l’autre sexe. Sans songer à s’asseoir, elles restèrent debout près de la fenêtre