Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/163

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fait de tort jusqu’à présent, dit M. Vincy tout à fait blessé, et, quand vous avez épousé Henriette, vous pouviez, je crois, vous attendre à ce que nos familles pendissent au même clou. Si vous avez changé d’avis, vous feriez mieux de me le dire. Je n’ai jamais changé d’avis, moi ; je suis un simple croyant aujourd’hui comme alors, avant toutes les nouvelles doctrines qu’on a inventées. Je prends le monde comme il est, en fait de commerce et en toutes choses. Je me contente de n’être pas plus mauvais que mes voisins. Mais, si vous trouvez bon que ma famille ne tienne plus son rang dans le monde, dites-le, je saurai mieux ce que j’ai à faire.

— Ce que vous dites là n’est pas raisonnable. En quoi votre situation dans le monde sera-t-elle diminuée si vous n’avez pas cette lettre pour votre fils ?

— Eh bien, qu’il en soit comme vous voudrez, mais je trouve qu’il est fort mal à vous de me la refuser. Ces procédés-là se concilient sans doute avec la religion ; mais l’apparence en a un air malpropre qui répugne. Vous pourriez aussi bien calomnier Fred ; cela revient presque au même, puisque vous refusez de dire que vous n’avez pas répandu de calomnies contre lui ; c’est ce genre de choses, cet esprit tyrannique voulant jouer partout en même temps le rôle de l’évêque et du banquier, oui, c’est ce genre de choses-là qui empoisonne le nom d’un homme.

— Vincy, si vous tenez à vous fâcher avec moi, Henriette en sera très peinée, comme je le suis moi-même, dit M. Bulstrode en pâlissant.

— Je ne veux pas me fâcher avec vous. Il est de mon intérêt et peut-être du vôtre que nous soyons amis. Je ne vous garde pas rancune, je ne pense pas plus de mal de vous que des autres. Un homme qui se tue à moitié par le jeûne, qui fait consciencieusement toutes les prières en famille et le reste à l’avenant, cet homme-là est convaincu