Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/23

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tiquer son ignorance en économie politique : cette science qu’on ne lui expliquait jamais et qu’on jetait comme un éteignoir sur toutes les lumières de son esprit.

— Mais vous aimez beaucoup monter à cheval, miss Brooke, dit tout à coup sir James, profitant d’un moment opportun. J’ai pensé que vous aimeriez aussi à faire connaissance avec les plaisirs de la chasse. Voulez-vous me permettre de vous envoyer, pour en faire l’essai, un alezan qui a été dressé pour dames. Je vous ai vue galoper samedi le long de la colline sur un cheval qui n’était pas digne de vous. Mon groom vous amènera Corydon tous les jours, si vous voulez bien indiquer seulement l’heure qui vous conviendra le mieux.

— Merci, vous êtes bien bon, mais je veux renoncer à l’équitation, je ne monterai plus à cheval, répondit Dorothée poussée à cette brusque déclaration par une certaine crainte que sir James ne retînt son attention qu’elle voulait réserver tout entière à M. Casaubon.

— Non, ce serait trop dur, dit sir James d’un ton de reproche qui laissait voir un intérêt profond. Votre sœur a fait vœu de pénitence, n’est-ce pas ? continua-t-il en se tournant vers Célia, qui était assise à sa droite.

— Je le crois, dit Célia, redoutant de dire quelque chose qui déplût à sa sœur et rougissant de la manière la plus charmante au-dessus de son collier ; elle aime à s’imposer des privations.

— Si cela était, Célia, mes privations ne seraient qu’une faiblesse de plus envers moi-même, répliqua Dorothée, et non une mortification. Mais on peut avoir de bonnes raisons pour ne pas faire ce qui vous est agréable.

M. Brooke parlait en même temps, mais il était clair que M. Casaubon observait Dorothée et elle le sentait.

— Précisément, dit sir James ; c’est par quelque motif grand et généreux que vous renoncez à vos plaisirs.