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écrins de cuir rouge qui renfermaient les camées de Célia.

Elle rayonnait de fraîcheur dans sa toilette de matin, comme la jeunesse peut seule rayonner. Il y avait un éclat de pierres précieuses sur son abondante chevelure tordue et dans ses yeux couleur noisette ; il y avait de la vie ardente et vermeille sur ses lèvres ; la blanche et virginale fourrure qui garnissait sa longue pelisse bleu clair mettait en relief la blancheur animée et vivante de son cou, autour duquel elle semblait tendrement s’enrouler comme d’elle-même ; et l’innocence à la fois sensible et naïve que respirait cette gorge blanche gardait tout son charme attrayant à côté de la pureté cristalline de la neige du dehors. En posant les écrins sur la table du bow-window, elle y laissa tomber ses mains, absorbée dans la contemplation de l’enclos blanc et silencieux qui constituait son univers visible.

M. Casaubon, qui s’était levé de bonne heure en se plaignant de palpitations, donnait audience dans la bibliothèque à son vicaire, M. Tucker. Célia n’allait pas tarder à venir, et durant les semaines suivantes il y aurait des visites de noces à faire et à recevoir, en un mot toute la suite de cette vie de transition qui semble faite pour répondre à l’excitation du bonheur conjugal naissant, et qui vous donne le sentiment d’une activité sans résultat, semblable à un rêve dont le rêveur commence à douter. Les devoirs de sa vie de femme, qui lui étaient apparus si importants avant le mariage, semblaient s’effacer avec les tentures et le paysage noyé de vapeurs. Les hauteurs distinctes, où elle s’attendait à planer dans une communion entière avec un autre, étaient devenues difficiles à apercevoir même en imagination ; la délicieuse confiance d’une âme se reposant sur une autre âme supérieure et parfaite s’était écroulée jusqu’à devenir un effort pénible, et alarmée par un pressentiment confus. Quand donc commenceraient ces jours de dévouement actif de la femme qui devait fortifier la vie de son mari et exalter la sienne