Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/42

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respect que son intelligence et son savoir. Il donnait son approbation aux sentiments pieux exprimés par Dorothée et parfois il se servait d’une citation appropriée pour faire comprendre que, lui aussi, avait traversé dans sa jeunesse plus d’une crise de conscience.

Dorothée enfin crut avoir trouvé dans cet homme éminent l’esprit qui la comprendrait, la sympathie dont elle avait soif et une direction salutaire. Elle ne fut désappointée que sur un point, à propos d’un de ses sujets préférés. M. Casaubon ne paraissait pas s’intéresser du tout à la construction des chaumières et il amena la conversation sur l’exiguïté des demeures chez les anciens Égyptiens, comme pour arrêter la conception d’un idéal trop élevé.

Après son départ, cette indifférence laissa Dorothée un peu anxieuse, et son esprit surexcité lui suggéra une foule d’arguments empruntés à la différence des climats qui changent nécessairement les besoins de l’homme, et à la méchanceté reconnue des despotes païens. Pourquoi n’essayerait-elle pas de ces arguments quand M. Casaubon reviendrait ?… Mais elle se dit qu’après tout, il serait trop présomptueux de prétendre réclamer encore son attention sur un tel sujet ; elle serait toujours libre de s’en occuper à ses moments perdus, alors que d’autres femmes s’occupent de leurs robes et de leurs broderies. — Il ne le lui défendrait pas quand… Dorothée se sentit presque honteuse d’avoir été si loin déjà dans tous ces calculs. Mais son oncle avait été invité à aller passer deux jours à Lowick était-il raisonnable de penser que M. Casaubon se plût dans la société de M. Brooke uniquement pour l’agrément qu’il lui apportait, avec ou sans documents ?

Toutefois, ce petit désappointement lui fit prendre d’autant plus de plaisir à l’obligeance de sir James Chettam, qui lui offrait de mettre à exécution les améliorations qu’elle souhaitait. Il venait beaucoup plus souvent que M. Casaubon,