Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/53

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— Je serai d’autant plus heureuse si je puis lui venir en aide, dit Dorothée avec ardeur.

— Vous avez déjà votre parti pris, à ce que je vois. Eh bien, ma chère, le fait est que j’ai une lettre pour vous dans ma poche.

M. Brooke tendit la lettre à Dorothée et, comme elle se levait pour sortir, il ajouta :

— Rien ne presse, ma chère ; pensez-y bien, voyez-vous.

Dorothée le laissa bien convaincu de lui avoir parlé avec fermeté, de lui avoir exposé jusqu’à l’évidence tous les risques de ce mariage. C’était son devoir. Mais, quant à prétendre être sage pour les jeunes gens !… Nul oncle, eût-il fait des voyages sans fin dans sa jeunesse, eût-il embrassé toutes les idées nouvelles, dîné avec des célébrités disparues de ce monde, nul oncle ne pouvait avoir la prétention de juger quel genre de mariage avait le plus de chance de réussir pour une jeune fille qui préférait Casaubon à Chettam ! En résumé, la femme était un problème devant lequel M. Brooke se sentait interdit et qui ne lui semblait guère moins compliqué à résoudre que les révolutions d’un solide irrégulier.


CHAPITRE V


Voici la lettre de M. Casaubon :

« Ma chère miss Brooke,

» J’ai obtenu de votre tuteur la permission de vous parler d’un sujet qui me tient plus au cœur que tout autre. Je ne crois pas me tromper en voyant une coïncidence plus pro-