Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/70

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M. Brooke frémit intérieurement, car les fiançailles de Dorothée n’avaient pas plutôt été décidées qu’il avait déjà pensé aux brocards que lui réservait sa voisine.

— J’espère que nous resterons toujours bons amis, Chettam et moi ; mais j’ai le regret de vous dire qu’il n’y a pas de projet de mariage entre lui et ma nièce, répliqua M. Brooke, fort soulagé d’apercevoir par la fenêtre Célia qui allait entrer.

— Et pourquoi pas ? dit mistress Cadwallader d’un accent surpris et légèrement contrarié. Il y a à peine quinze jours que nous en parlions, vous et moi.

— Ma nièce a choisi un autre prétendant, elle l’a choisi, vous savez… je n’y suis pour rien. J’aurais préféré Chettam et j’aurais parié que Chettam était précisément l’homme que toute jeune fille eût choisi. Mais il n’y a pas de calcul possible en ces matières. Votre sexe est capricieux, vous savez.

— Comment ! Voulez-vous dire que vous allez la laisser faire à sa tête ?

Et mistress Cadwallader passait rapidement en revue dans son esprit tous les partis possibles pour Dorothée.

Mais ici Célia entra, tout épanouie d’une promenade au jardin, et le bonjour qu’elle échangea avec mistress Cadwallader dispensa M. Brooke de répondre directement. Il se leva à la hâte en disant :

— J’ai à voir Wright pour les chevaux.

Et il s’esquiva de la chambre.

— Ma chère enfant, de quoi s’agit-il donc pour votre sœur ?

— Elle est fiancée à M. Casaubon, répondit Célia allant, comme toujours, droit au but, et enchantée de l’occasion de causer seule avec la femme du recteur.

— Mais que me dites-vous là ? c’est affreux ! Depuis quand est-ce décidé ?