Page:Eliot - Middlemarch, volume 1.djvu/84

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qu’un éclair fourchu le traversait de part en part, et, durant toute son entrevue avec elle, il éprouva comme un sourd malaise. Mais, en dépit de son bon naturel, avouons que ce malaise était quelque peu diminué par le fait qu’il ne se trouvait pas en présence d’un rival brillant et désirable. Il ne se sentait pas éclipsé par M. Casaubon, mais il était choqué de voir Dorothée sous l’empire d’une aussi triste illusion, et sa mortification perdait un peu de son amertume en s’associant à de la pitié !

Tout en comprenant que sa rupture avec Dorothée était sans retour, sir James ne pouvait encore envisager avec calme la pensée de son mariage avec M. Casaubon. La première fois qu’il les vit ensemble sous cet aspect nouveau de fiancés, il lui sembla qu’il n’avait pas pris l’affaire assez au sérieux. Brooke était réellement coupable ; il devait s’opposer. Qui pourrait lui parler ? N’y avait-il pas quelque tentative à faire encore, au moins pour retarder le mariage ?

En revenant de Freshitt, il entra au rectorat de M. Cadwallader, et fut introduit dans un cabinet d’étude où étaient suspendus toutes sortes d’attirails de pêche, et, de là, dans une petite pièce contiguë où le recteur était occupé à confectionner un dévidoir.

M. Cadwallader était un homme de haute taille, aux lèvres un peu épaisses et au sourire affable, très simple et rude dans son extérieur, mais possédant cette aisance, cette bonne humeur solide et imperturbable qui vous pénètre comme l’aspect ensoleillé de vastes collines herbeuses, et qui agit par contagion sur l’égoïsme irrité en le forçant à rougir de lui-même.

— Eh bien, comment vous portez-vous ? dit-il, tendant au baronnet une main assez peu présentable ; je suis fâché de vous avoir manqué l’autre jour. S’est-il passé quelque chose de particulier ? Vous avez l’air ennuyé.

Le baronnet parut exagérer à dessein le léger pli et le