Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/198

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manière et capable de recevoir des impressions durables, Son impression du moment était toute d’offense et de répulsion.

Quoi qu’il en fût, Rosemonde ne prenait jamais un air renfrogné et n’élevait jamais la voix : elle était bien sûre que personne ne pourrait la trouver en faute.

Peut-être Lydgate et elle ne s’étaient-ils encore jamais sentis aussi loin l’un de l’autre ? Mais il avait de fortes raisons de ne pas différer la révélation qu’avait annoncée déjà sa brusque sortie de tout à l’heure ; en réalité, il se mêlait encore à son chagrin, en pensant au chagrin qu’il allait causer à Rosemonde, un peu de ce même désir qui l’avait poussé à parler prématurément, ce désir irrité d’éveiller en elle plus d’émotion pour ce qui le touchait. Mais il attendit de voir le plateau enlevé, les bougies allumées et de pouvoir compter sur une soirée tranquille. Cet intervalle donna le temps de revenir à la tendresse froissée.

Il parla tendrement.

— Chère Rosy, posez votre ouvrage et venez vous asseoir près de moi, dit-il doucement, éloignant la table et étendant le bras pour approcher un fauteuil du sien.

Rosemonde obéit. Lorsqu’elle s’avança vers lui, drapée de pâle mousseline transparente, sa taille élancée aux contours arrondis n’avait jamais paru plus gracieuse ; comme elle s’asseyait près de lui et posait une main sur le bras de son fauteuil, le regardant enfin et rencontrant ses yeux, sa joue et ses lèvres finement dessinées n’avaient jamais été plus belles, de cette beauté pure et sans tache qui nous ravit dans le printemps, dans l’enfance, dans tout ce qui porte la douce fraîcheur de la jeunesse. Cette vue toucha Lydgate, et confondit les premiers instants de son amour pour elle avec tous tes souvenirs que cette crise de douleur profonde avait éveillés en lui. Il posa doucement sa longue main sur la sienne.