Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/199

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Chère ! dit-il avec l’accent prolongé que l’affection donne à ce mot.

Rosemonde, elle aussi, était encore sous l’empire de ce même passé, et son mari était encore en partie le Lydgate dont le suffrage avait fait naître le ravissement dans son cœur. Elle éloigna d’une main légère les cheveux de Lydgate de son front, puis posa son autre main sur la sienne et sentit bien qu’elle lui pardonnait.

— Je suis forcé de vous faire de la peine en vous parlant, Rosy, mais il y a des choses sur lesquelles mari et femme doivent réfléchir ensemble. Vous vous êtes déjà aperçue, je pense, que j’étais à court d’argent.

Lydgate se tut ; Rosemonde tournant son long cou, regarda un vase sur la cheminée.

— Je ne pouvais payer immédiatement tout ce que nous avons dû acheter avant notre mariage, et depuis il y a eu bien des dépenses auxquelles j’ai dû faire face, et la conséquence c’est que nous avons une grosse dette à Brassing, trois cent quatre-vingts livres, qui me tourmente depuis longtemps déjà ; et, ce qui n’est que trop vrai, nous nous enfonçons plus profondément tous les jours, car, si d’autres ont besoin d’argent, les clients ne me payent pas plus vite. Je me suis efforcé de vous le cacher tant que vous n’étiez pas bien ; mais aujourd’hui il faut y réfléchir ensemble et je vous demande de m’aider.

— Que puis-je faire, Tertius ? dit Rosemonde, tournant de nouveau les yeux vers lui.

Cette petite phrase de quatre mots, comme tant d’autres dans toutes les langues, ne peut-elle pas, grâce à des inflexions de voix différentes, exprimer tous les états d’âme possibles, depuis l’abattement le plus absolu jusqu’à la compréhension la plus pratique et la plus ingénieuse à trouver des ressources ; depuis la sympathie la plus entière et la plus dévouée jusqu’à la plus complète indifférence !