Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/25

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Le lendemain, on répéta à M. Gambit que Lydgate allait partout disant que les médecines ne servaient à rien.

— Vraiment ! dit M. Gambit, levant les sourcil avec une expression de prudente surprise. (C’était un homme robuste et dur, portant un large anneau à son quatrième doigt.) Comment guérira-t-il donc ses malades ?

— C’est ce que je dis, repartit mistress Mawmsey. Croit-il qu’on le payera pour venir simplement s’asseoir en face des gens et repartir ensuite ?

— Eh mais, Lydgate est un garçon de bonne mine, vous savez.

— Ce n’est toujours pas lui que je voudrais appeler, dit mistress Mawmsey, que les autres fassent comme il leur plaît.

C’est ainsi que M. Gambit put quitter l’importante maison de l’épicier, sans craindre de rivalité, mais non sans le sentiment que Lydgate était un de ces hypocrites qui essayent de discréditer les autres, en faisant parade de leur propre honnêteté, et qu’il vaudrait la peine de démasquer un jour. M. Gambit était toutefois satisfait de sa clientèle, une clientèle sentant, il est vrai, un peu le petit commerce, réclamant une réduction sur la note quand on payait comptant. Et il ne trouvait pas que ce fût la peine pour lui de démasquer Lydgate, avant de bien savoir comment s’y prendre. Il n’avait pas reçu une éducation très soignée, et il avait dû, pour faire son chemin, lutter contre le dédain de beaucoup de ses confrères ; mais il n’en faisait pas un moins bon accoucheur pour appeler l’appareil respiratoire « les peumons ».

D’autres hommes du métier se sentaient plus de valeur. M. Toller, qui avait une partie de la plus haute clientèle de la ville, appartenait à une ancienne famille de Middlemarch ; il y avait des Toller dans la magistrature et dans les professions au-dessus du commerce de détail. Tout au rebours de notre irascible ami Wrench, il savait prendre légèrement les