Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/26

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choses désagréables ; c’était un homme bien élevé, doucement facétieux, vivant sur un bon pied, très amateur d’un peu de sport à l’occasion, grand ami de M. Hawley et hostile à M. Bulstrode. Il peut paraître étrange qu’avec de si douces habitudes, il fût, en médecine, l’homme des traitements héroïques, saignant, affamant, couvrant de vésicatoires ses malades, avec un tranquille mépris de son exemple personnel ; mais cette inconséquence favorisait la bonne opinion que se formaient les malades de ses capacités ; ils observaient généralement que si M. Toller avait des manières un peu molles, son traitement était aussi énergique qu’on pouvait le désirer. Il était fort apprécié dans son cercle d’amis, et tout ce qu’il insinuait de défavorable à autrui empruntait à son ton d’insouciante ironie une double valeur.

Il se fatigua naturellement de toujours sourire et de dire « Ah ! » chaque fois qu’on lui répétait que le successeur de Peacock ne voulait pas distribuer de médicaments ; et M. Hackbutt lui en parlant un jour, à un grand dîner, entre deux verres de vin, M. Toller repartit en riant :

— Dibbits pourra donc se débarrasser de toutes ses vieilles drogues rances. J’aime beaucoup le petit Dibbits, je suis content de la chance qui lui arrive.

— Je vois ce que vous voulez dire, Toller, reprit M. Hackbutt, et je suis absolument de votre avis. J’en dirai à l’occasion ma façon de penser. Un médecin devrait être responsable de la qualité des médicaments que prennent ses malades. C’est le point de départ logique du système appliqué jusqu’ici et il n’y a rien de plus fâcheux que cette ostentation de réforme, là où il n’y a pas de progrès réel.

— Ostentation, Hackbutt ? dit M. Toller ironiquement ; je ne vois pas cela. On ne peut guère faire de l’ostentation pour une chose à laquelle personne ne croit. Il n’y a pas de réforme en cette matière. La question est de savoir si c’est le droguiste ou le malade qui paiera au médecin son béné-