Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/275

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sortir de là, qu’est-ce que tout cela ? Tout au plus un étroit marécage que nous avons à traverser au milieu d’un long voyage. Que je puisse m’alléger l’esprit de ces soucis, et je suffirai à la tâche. »

Il était si réconforté par cette idée, qu’il se mit réfléchir à un rapport sur certaines expériences qu’il voulait reprendre depuis longtemps, et qu’il avait négligées par ce sourd désespoir de soi, qui vient à la suite de toutes les petites préoccupations. Il ressentit de nouveau quelque chose de son ancien bonheur à s’absorber dans les profondeurs d’une recherche scientifique, tandis que Rosemonde jouait une douce musique, aussi favorable à sa méditation que le bruit d’une rame, le soir, sur un lac. Il était déjà passablement tard, il avait repoussé tous ses livres et regardait le feu, les mains croisées derrière la tête, plongé dans l’oubli de toutes choses, en dehors de l’expérience définitive à instituer, quand Rosemonde, qui avait quitté le piano et s’était renversée sur sa chaise, tout en le surveillant de l’œil, lui dit :

— M. Ned Plymdale a déjà pris une maison.

Lydgate saisi et bouleversé la regarda en silence pendant un instant comme un homme dérangé au milieu de son sommeil. Puis, rougissant sous l’empire d’un sentiment pénible, il demanda :

— Comment le savez-vous ?

— Je suis passée ce matin chez mistress Plymdale, et elle m’a dit qu’il avait pris la maison voisine de celle de M. Hackbutt, place Saint-Pierre.

Lydgate garda le silence. Il se pressa la tête entre les mains et resta les coudes appuyés sur ses genoux. Il ressentait un amer désappointement, comme si, ouvrant une porte pour sortir d’un lieu suffocant, il l’eût trouvée murée : mais ce dont il ne doutait pas, c’est que la cause de son désappointement était pour Rosemonde une cause de satisfaction. Il aima mieux ne pas la regarder et ne pas lui