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CHAPITRE IV


Lydgate avait de bonnes raisons de tenir compte du service que lui rendaient ses clients en l’arrachant à ses soucis personnels. Il n’avait plus assez de libre énergie pour se livrer à des travaux de recherches ou à des méditations purement théoriques ; mais au chevet des malades, l’appel direct à sa science et à sa sympathie lui donnait le surcroît d’impulsion dont il avait besoin pour sortir de lui-même. Ce n’était pas seulement le harnais de la routine, qui est une bonne chose en ce qu’il permet aux hommes incapables de vivre honorablement et aux hommes malheureux de vivre paisiblement c’était à tout instant la vive et immédiate application de sa pensée et de son attention aux besoins et aux épreuves d’autrui. Beaucoup d’entre nous, regardant en arrière dans la vie, diront que l’homme le meilleur que nous ayons connu, a été un de ces hommes de l’art, ce chirurgien peut-être, dont le tact admirable, guidé par une profonde et savante perception, est venu à nous dans notre détresse avec une bienfaisance plus sublime que celle des faiseurs de miracles. — Quelque chose de cette miséricorde deux fois bénie accompagnait toujours Lydgate dans ses visites à l’hôpital ou dans les maisons particulières, servant mieux qu’aucun narcotique à le calmer et à le soutenir dans ses angoisses et dans le sentiment de l’amoindrissement de ses forces intellectuelles.

M. Farebrother, toutefois, ne s’était pas trompé sur le narcotique. Sous la première pression douloureuse des difficultés prévues, et quand pour la première fois son mariage lui était apparu, sinon comme la solitude dans l’esclavage,