Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/345

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murer. Il ne dormait donc pas ! qui pouvait savoir s’il ne valait pas mieux manquer aux prescriptions de Lydgate, puisque le sommeil ne venait pas ?

Il rentra dans sa chambre. Il n’avait pas achevé de se déshabiller, que mistress Abel frappa à la porte.

— S’il vous plaît, monsieur, ne pourrais-je pas avoir un peu de brandy ou quelque chose comme cela à donner à ce pauvre malheureux ? Il semble défaillir et ne veut rien accepter, et d’ailleurs rien que de l’opium, ce n’est guère fortifiant ; et il répète de plus en plus qu’il enfonce dans la terre.

Elle fut surprise de voir que Bulstrode ne répondait pas. Un combat se livrait en lui.

— Je crois qu’il mourra sûrement faute de nourriture, s’il continue ainsi. Quand je soignais mon pauvre maître, M. Robisson, j’avais toujours à lui donner du porto et du brandy et un grand verre à la fois, ajouta mistress Abel avec une intention de reproche dans l’accent.

M. Bulstrode ne répondant pas tout de suite, elle continua :

— Ce n’est pas le moment de faire des économies, quand les gens sont à la porte du tombeau, et vous ne le voudriez pas non plus, monsieur, j’en suis sûre. Sans quoi je lui donnerais bien de notre rhum à nous, que nous avons ici tout près. Mais après l’avoir si bien veillé et soigné, et fait tout ce qui était en votre pouvoir…

Ici une clef fut jetée par la porte entr’ouverte, accompagnée de ces mots prononcés d’une voix rauque :

— Voici la clef du cellier. Vous y trouverez une provision de brandy.

Le matin de bonne heure, vers six heures, M. Bulstrode se leva et passa quelque temps en prière. Quelqu’un suppose-t-il que la prière faite dans l’intime secret du cœur doive être nécessairement sincère, qu’elle remonte nécessai-