Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/36

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Comment faire pour être prudent ? Je ne fais absolument que ce qui s’offre à moi. Je ne peux rien à l’ignorance et au dépit des autres, pas plus que Vésale autrefois. Il n’est pas possible de régler sa conduite sur des éventualités absurdes que personne ne saurait prévoir.

— Parfaitement vrai : je ne voulais pas dire cela. Je ne parlais que de deux choses. L’une, c’est de vous tenir aussi indépendant que vous pourrez de Bulstrode : vous pouvez sans doute, en marchant avec lui, continuer à faire d’utiles travaux pour vous-même, mais ne vous laissez pas lier. Peut-être vous semble-t-il que c’est un sentiment personnel qui me fait parler, et il y a bien un peu de cela, je l’avoue, mais le sentiment personnel n’a pas toujours tort, quand on le réduit à des impressions qui n’en font qu’une simple opinion.

— Bulstrode ne m’est rien, dit Lydgate avec insouciance, en dehors de l’intérêt public. Quant à lui être étroitement lié, je ne l’aime pas assez pour cela. Mais quelle était l’autre chose que vous vouliez me dire ? ajouta-t-il en se caressant la jambe le plus confortablement du monde, sans se sentir grand besoin de conseil.

— Eh bien, voici. Prenez garde — Experto crede, — prenez garde de vous laisser empêtrer dans des affaires d’argent. Je sais, par un mot qui vous est échappé un jour, que vous n’aimez pas mon habitude de tant jouer d’argent aux cartes. Vous avez assez raison en cela. Mais tâchez de ne jamais tomber dans cette situation, d’avoir besoin de petites sommes que vous n’avez pas. Ce que je vous dis là est peut-être superflu ; mais on est toujours porté à se ménager à soi-même une certaine supériorité, en donnant aux autres à la fois le mauvais exemple et de bons sermons.

Lydgate, qui ne les eût guère acceptées d’un autre, accueillit très cordialement les allusions de M. Farebrother. Il ne put s’empêcher de se souvenir qu’il avait contracté der-