Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/362

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qui était d’abord aussi pauvre qu’on peut l’être et auquel il est arrivé tout à coup tant d’argent qu’il peut payer M. Byles, le boucher, dont la note pour les meilleurs morceaux remontait à douze mois à la dernière Saint-Michel, je n’ai besoin de personne pour venir me dire qu’il s’est passé là une chose plus grave que les choses pour lesquelles on met des offices dans le livre des prières. Je n’ai que faire de rester là debout, à clignoter, à fermer les yeux et à réfléchir.

Et mistress Dollop regarda autour d’elle de l’air d’une hôtesse accoutumée à dominer son monde.

— Pourquoi ne déterrerait-on pas cet homme et ne ferait-on pas venir le coroner ? proposa le teinturier. On l’a fait mainte et mainte fois. S’il y a eu une vilaine action de commise, ce serait le moyen de le découvrir.

— Pas avec eux, monsieur Jonas, dit mistress Dollop énergiquement. Je les connais, les médecins. Ils sont trop rusés pour être découverts. Et ce M. Lydgate qui voulait couper et déchiqueter tout le monde avant que le souffle fût seulement sorti du corps. Il est assez clair, l’avantage qu’il voulait tirer de ses visites chez des gens respectables. Il connaît des médecines, soyez-en sûr, qu’on ne peut ni voir, ni sentir, ni avant de les avaler ni après. Savez-vous quoi ? J’ai vu moi-même des gouttes ordonnées par le docteur Gambit, qui est le médecin de notre cercle et un brave homme, et qui a amené au monde plus d’enfants vivants qu’aucun autre à Middlemarch, je dis que j’ai vu moi-même des gouttes qu’on pouvait verser dans un verre, — c’était comme s’il n’y avait rien eu, — et qui ne vous empoignaient pas moins le lendemain. Ainsi c’est à votre bon sens à juger de ce lui en est. Ne m’en parlez pas. Tout ce que je dis, c’est que c’est une bénédiction qu’on n’ait pas fait entrer ce docteur Lydgate dans notre cercle. Plus d’une mère aurait pu s’en repentir pour son enfant.