Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/39

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vous m’avez dit que les gens étaient fâchés ici à propos de mistress Goby. Vous avez déjà assez d’ennemis.

— Ainsi en avait Vésale, Rosy. Il n’est pas surprenant que les petits médecins aveugles de Middlemarch soient jaloux, quand quelques-uns des plus grands docteurs se sont montrés féroces contre Vésale, parce qu’ils avaient cru en Galien et que Vésale a démontré que Galien était dans l’erreur. Il l’ont traité d’imposteur, de monstre venimeux. Mais la charpente humaine était un fait, et le fait était pour lui, et il s’en est tiré à son honneur.

— Et qu’est-ce qui lui est arrivé par la suite ? demanda Rosemonde avec un peu plus d’intérêt.

— Oh ! il a eu bien des luttes à soutenir jusqu’à la fin. Et, à un certain moment, elles l’ont assez exaspéré pour lui faire brûler une bonne partie de ses œuvres. Et puis, il a fait naufrage en se rendant de Jérusalem à Padoue, où il allait occuper une chaire. Il est mort assez misérablement.

Il y eut un moment de silence avant que Rosemonde reprît :

— Savez-vous, Tertius, j’ai souvent souhaité que vous n’eussiez pas été médecin.

— Non, Rosy, ne dites pas cela, dit Lydgate en l’attirant plus près de lui. C’est comme si vous disiez que vous voudriez avoir épousé un autre homme.

— Pas du tout ; vous avez assez de talents pour être propre à tout : vous auriez pu aisément devenir tout autre chose. Et vos cousins, à Quallingham, pensent tous que vous êtes descendu au-dessous d’eux en choisissant votre profession.

— Que les cousins de Quallingham aillent au diable ! Cela ressemble bien à leur impudence, de vous tenir à vous un semblable langage.

— Pourtant, dit Rosemonde, je ne trouve pas que ce soit une belle profession, mon ami. — Nous savons qu’elle avait dans ses opinions beaucoup de calme ténacité.