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Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/394

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— Je ne sais rien, Walter. Qu’est-ce qu’il y a ? murmura-t-elle.

Il lui dit tout, sans réticence, par fragments courts, lui faisant entendre que le scandale était allé bien au delà de ce qui était prouvé, surtout en ce qui touchait la mort de Raffles.

— Les gens jaseront toujours, dit-il, un homme peut être acquitté par le jury, ils jaseront encore ; ils remueront la tête et cligneront de l’œil, et au train dont va le monde, c’est souvent tout un pour un homme d’être coupable ou d’être innocent. C’est un coup d’assommoir, et il aplatit Lydgate aussi bien que Bulstrode. Qu’est-ce qu’il y a de vrai ? je ne prétends pas le dire. Je souhaiterais seulement que nous n’eussions jamais entendu parler de Bulstrode ni de Lydgate. Il aurait mieux valu pour vous rester une Vincy toute votre vie, et pour Rosemonde aussi.

Mistress Bulstrode ne répliqua rien.

— Mais, il faut vous soutenir, aussi bien que vous le pourrez, Henriette. On ne vous reproche rien. Et je serai avec vous, quelque parti que vous preniez, reprit son frère avec une affectueuse rudesse, pleine de sympathie.

— Donnez-moi votre bras jusqu’à la voiture, Walter, dit mistress Bulstrode. Je me sens très faible.

Et lorsqu’elle fut de retour chez elle, elle ne put que dire à sa fille :

— Je ne suis pas bien, ma chère ; il faut que j’aille me reposer, prenez soin de votre père. Laissez-moi dans la tranquillité. Je ne dînerai pas.

Elle s’enferma dans sa chambre. Elle avait besoin de temps pour s’accoutumer au froissement de ses sentiments, à sa propre vie blessée, avant de pouvoir marcher d’un pas ferme à la place qui lui était assignée. Une nouvelle et pénétrante lumière venait de tomber sur le caractère de son mari, et il lui était impossible de le juger avec indulgence :