Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/404

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dans le cas présent Rosemonde avait autant de raisons de se plaindre de la réserve et du manque de confiance de son mari ; mais dans l’amertume de son âme il s’excusait lui-même. N’était-il pas justifié d’avoir reculé devant le devoir de lui tout dire, puisque, maintenant qu’elle connaissait la vérité, aucun mouvement ne la poussait à venir à lui ? Mais, au fond de sa conscience il était troublé par la pensée d’être en faute, et le silence qui régnait entre eux lui devenait intolérable ; ils étaient comme deux naufragés jetés à la dérive sur le même débris, qui se détourneraient l’un de l’autre.

« Je suis fou, se dit-il. N’ai-je pas renoncé à espérer rien au monde ? J’ai épousé le souci et non l’appui. »

Et, ce soir-la, il demanda :

— Rosemonde, avez-vous appris quelque chose qui vous afflige ?

— Oui, répondit-elle, en posant son ouvrage.

— Qu’avez-vous appris ?

— Tout, je suppose, papa m’a tout dit.

— Il vous a dit qu’on me regardait comme déshonoré ?

— Oui, dit Rosemonde faiblement, en reprenant machinalement son ouvrage.

Il y eut un silence. Lydgate pensait : « Pour peu qu’elle ait de confiance en moi, qu’elle ait l’idée de ce que je suis, c’est à elle à parler maintenant et à me dire qu’elle ne croit pas que j’aie mérité le déshonneur. »

Mais Rosemonde, de son côté, continuait à faire mouvoir ses doigts avec lenteur. Elle attendait que les explications vinssent de Tertius. Que savait-elle ? et s’il était innocent de toute faute, que ne cherchait-il à se justifier ?

Le silence de Rosemonde apporta un nouveau flot de tristesse à cette humeur amère dans laquelle Lydgate s’était dit que plus personne ne croyait en lui. Farebrother lui-même n’était pas venu au-devant de lui. Il avait commencé