Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/406

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gravement avant de reprends le triste sujet. Il était redevenu maître de lui-même et il allait parler, plein d’un sentiment solennel, comme si c’était une occasion qui ne dût pas se retrouver. Il avait déjà les lèvres ouvertes lorsque Rosemonde, laissant tomber ses mains, le regarda et commença :

— Assurément, Tertius…

— Eh bien ?

— Assurément, vous avez enfin abandonné aujourd’hui l’idée de rester à Middlemarch. Je ne puis continuer à vivre ici. Allons à Londres. Papa et tout le monde d’ailleurs dit que vous ferez mieux de partir. À quelque souffrance que je doive me soumettre, cela me sera plus facile loin d’ici.

Une fois encore Lydgate se sentit repoussé et vaincu dans son dessein. Au lieu de cet éclat et de cette résistance auxquels il avait mis toute son énergie à se préparer, il fallait de nouveau repasser par cette vieille histoire. Il ne put le supporter et avec un rapide changement de physionomie il se leva et quitta la chambre.

Peut-être, s’il eût été assez fort pour persister dans sa résolution de donner plus parce qu’elle donnait moins, cette soirée eût porté de meilleurs fruits. Si son énergie avait pu supporter ce coup, il aurait encore eu chance d’agir sur les idées et sur la volonté de Rosemonde. Il est impossible de dire, en effet, qu’il y ait des dispositions, si inflexibles et particulières soient-elles, dont ne puisse triompher l’influence d’un être supérieur en force. On peut les prendre par assaut et pour un instant les convertir, les forçant à s’unir à l’âme qui les entraîne dans l’ardeur de son mouvement. Mais le pauvre Lydgate était en proie à une douleur qui ébranlait tout son être, et son énergie était restée au-dessous de sa tâche.

Le commencement d’une entente et d’une résolution commune semblait aussi éloigné d’eux que jamais, et plus que jamais rendu impossible par le sentiment d’un effort mal-