Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/482

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du mariage, Célia profita de l’occasion pour intervenir, et elle demanda avec autant de calme que s’il se fût agi d’une invitation à dîner :

— Voulez-vous dire que Dodo va se marier tout de suite, mon oncle ?

— Dans trois semaines, vous savez, dit M. Brooke d’un air contristé. Je ne puis rien faire pour l’empêcher, Cadwallader, ajouta-t-il, se retournant, pour se redonner contenance, vers le recteur qui répondit :

— Je n’en ferais pas tant d’embarras. S’il lui convient d’être pauvre, c’est son affaire. Personne n’eût rien dit si le jeune homme eût été riche. Il y a beaucoup de membres du clergé bénéficier plus pauvres qu’ils ne le seront. Voyez Éléonore, poursuivit ce mari provocant. Elle a contristé tous ses amis en m’épousant, j’avais à peine mille livres de revenu, j’étais un lourdaud, personne ne pouvait rien trouver en moi, mes souliers n’étaient pas de la bonne coupe, tous les hommes se demandaient comment une femme pouvait m’aimer. Sur ma parole, il faut que je prenne le parti de Ladislaw, jusqu’à ce que je lui entende reprocher quelque chose de plus grave.

— Humphrey, voilà encore de vos sophismes, et vous le savez très bien, dit sa femme. Toute chose revient toujours au même ; c’est là le commencement et la fin avec vous ! Comme si vous n’aviez pas été un Cadwallader ! Quelqu’un suppose-t-il que je me serais accommodée d’un monstre comme vous, s’il s’était appelé du premier nom venu ?

— Un Cadwallader, et aussi un clergyman, appuya lady Chettam. On ne peut pas dire qu’Éléonore soit nullement descendue su-dessous de son rang. Mais il est difficile de dire ce qu’est M. Ladislaw, eh, James ?

Sir James fit entendre un petit grognement moins respectueux que sa façon habituelle de répondre à sa mère. Célia leva les yeux sur lui, comme un timide poussin.