Page:Eliot - Middlemarch, volume 2.djvu/499

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Ben et Letty Garth, qui furent oncle et tante avant d’avoir atteint leurs treize ans, discutèrent beaucoup pour savoir ce qui était le plus désirable, des neveux ou des nièces. Ben assurait qu’il n’était pas douteux que les filles valussent moins que les garçons, sans quoi elles ne seraient pas toujours en jupons, à quoi Letty répliqua qu’en Orient les hommes portaient aussi des jupes.

— Ils n’en sont que de plus grands imbéciles ! riposta Ben, qui s’empressa d’en appeler à sa mère pour savoir si les garçons ne valaient pas mieux que les filles.

Mistress Garth déclara que les uns et les autres étaient également méchants, mais que les garçons étaient incontestablement plus forts, capables de courir plus vite et de mieux lancer et plus loin. Ben se trouva parfaitement satisfait de cette sentence d’oracle sans s’inquiéter de l’allusion à la méchanceté ; mais Letty la prit mal, son sentiment de supériorité étant plus fort que ses muscles.

Fred ne devint jamais riche, et, en dépit de sa disposition à l’espérance, ne s’attendit jamais à le devenir ; mais il sut peu à peu économiser assez pour devenir propriétaire du bétail et du matériel de Stone-Court, et la tâche que M. Garth lui avait mise entre les mains lui permit de traverser dans l’abondance « ces temps difficiles » qui n’ont pas cessé de l’être pour nos fermiers. Mary, dans le cours de sa vie de mère de famille, acquit une solidité analogue à celle de sa mère. Elle s’abstint autant que possible avec ses fils de leçons en règle ; aussi mistress Garth se préoccupait-elle fort de ce qu’ils n’eussent jamais un fond solide de grammaire et de géographie. On ne les en trouva pas moins tout à fait assez avancés lorsqu’ils allèrent à l’école, peut-être parce qu’ils n’avaient rien tant aimé que d’être avec leur mère.

Quand Fred revenait à cheval au logis dans les soirs d’hiver, il avait devant lui l’agréable vision du brillant foyer