Page:Eliot - Silas Marner.djvu/125

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de gagner le silence de Dunstan, et de retarder le mauvais jour : Godfrey pourrait dire à son père qu’il avait lui-même dépensé l’argent remis par Fowler entre ses mains. Comme il ne s’était jamais rendu coupable d’une semblable offense auparavant, l’affaire se dissiperait après un peu d’orage. Mais il était incapable de se résoudre à cela. Il sentait qu’en donnant l’argent à Dunstan, il avait déjà commis un abus de confiance à peine moins coupable que celui d’avoir dépensé l’argent lui-même et à son profit. Cependant, il y avait entre les deux actes une distinction qui lui montrait le second comme tellement le plus odieux, que l’idée de s’en accuser lui était insupportable.

« Je ne prétends pas être un bon sujet, se dit-il, cependant je ne suis pas un coquin ; du moins, je m’arrêterai court quelque part. Je préfère supporter les conséquences de ma propre conduite, et ne pas faire croire que je suis l’auteur de ce que je n’eusse jamais voulu commettre. Jamais je n’aurais eu l’intention de dépenser l’argent pour mon plaisir,… je n’ai cédé qu’à la torture. »

Pendant tout le reste du jour, Godfrey, à part quelques fluctuations accidentelles, demeura fermement résolu à tout avouer à son père, et il ajourna l’histoire de la perte d’Éclair jusqu’au lendemain matin, afin qu’elle servît d’introduction à un sujet plus important. Le vieux squire était accoutumé à voir Dunstan s’absenter fréquemment de la maison :