Page:Eliot - Silas Marner.djvu/253

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pas savoir, cependant, — ce serait une bonne chose, d’avoir une jeune fille sérieuse qui prît soin de lui, lorsqu’il serait devenu hors d’état de travailler. Les servantes prenaient plaisir à la porter au dehors pour regarder les poules et les poussins, ou voir si on pouvait faire tomber quelques cerises dans le verger. Et les petits garçons et les petites filles s’approchaient d’elle lentement, avec des mouvements prudents et des regards fixes, — comme des petits chiens qui s’avancent nez à nez vers un autre petit chien, — jusqu’à ce que l’attraction eût atteint le point où les douces lèvres s’offraient pour recevoir un baiser. Aucun enfant n’avait peur de s’approcher du tisserand quand Eppie était à ses côtés. La présence de celui-ci n’avait plus rien de repoussant maintenant, ni pour les jeunes ni pour les vieux, car la petite enfant en était arrivée à le rattacher une fois de plus au monde entier. Il y avait entre lui et Eppie un amour qui les confondait en un seul être, et il y avait de l’amour entre l’enfant et le monde, — depuis les hommes et les femmes qui avaient pour elle des paroles et des regards de père et de mère, jusqu’aux coccinelles rouges et aux cailloux arrondis.

Silas se mit alors à considérer l’existence à Raveloe, purement en vue d’Eppie. Il voulait procurer à sa fille tout ce qui passait pour un bien dans le village ; et il écoutait avec docilité, afin de parvenir à mieux comprendre ce qu’était cette vie dont il s’était tenu à l’écart pendant quinze années, comme Si c’eût été