Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/220

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toujours celle qui le fait paraître plus sinistre et plus noir. Victor Hugo a eu tort de représenter Torquemada voulant, par le supplice du feu, ouvrir à ses « misérables victimes » le chemin de la béatitude céleste ; « il ne songeait qu’à les exterminer, en leur donnant sur la terre un avant-goût des flammes éternelles »[1]. C’est selon cette idée qu’est écrite l’Holocauste : pendant qu’on brûle le mécréant, un moine « abject, ignare, lâche et laid » (car voilà le ton général de cette poésie), vient lui crier, non, glapir :


Va, cuis, flambe et recuis dans l’éternel enfer[2].


Dans cette même Holocauste, il s’est souvenu d’un trait attribué à Vanini qui, au milieu des flammes du bûcher, aurait poussé ce cri de douleur : « Mon Dieu » ! et comme on le brûlait précisément pour athéisme, ce fut une grande joie pour les assistants, qui lui crièrent : « Tu crois donc en Dieu maintenant ? » Vanini aurait répondu : « Ce n’est qu’une façon de parler »[3]. C’est de cette réplique que Leconte de Lisle fait son trait final :

  1. Derniers Poèmes, Discours sur Victor Hugo.
  2. Cependant lui-même, dans l’Agonie d’un Saint, avait fait dire à saint Dominique à propos des héréliques brûlés par son ordre :
    Et j’ai purifié l’âme à Satan promise.
  3. L’anecdote est rapportée dans l’Histoire populaire du christianisme, p. 135.