Page:Elzenberg - Le Sentiment religieux chez Leconte de Lisle, 1909.djvu/25

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improductive, contribue à leur élaboration. De plus, il faut observer que tout cet antichristianisme n’implique en réalité aucune hostilité systématique contre la religion.

Ses opinions en philosophie ne le mettent pas en opposition irréductible avec elle. Son père, admirateur de Rousseau, n’est pas un athée ; on le voit même qui « prie Dieu » pour que son fils s’amende[1] ; et le fils à son tour dit, en parlant de la république : « prions pour Elle ».[2] C’est un bien petit mot, il faut l’avouer ; mais de la part de ce jeune intransigeant c’est un témoignage sûr : ce n’est pas lui qui s’en servirait comme d’une « façon de parler ». comme d’une expression banale et sans conséquence. Il est donc au moins déiste ; et si tout à l’heure le christianisme était condamné au nom de la raison, la raison, elle, était une « émanation de la divinité », et c’est à Dieu, en définitive, que tout est ramené. Au fond, l’antichristianisme de Leconte de Lisle est alors déjà d’ordre social. Les idées républicaines ne sont pas séparées des idées philosophiques ; « politique et religion » sont réunies[3] ; ce qui l’offense dans l’Église, c’est son iniquité, et c’est un « instinct

  1. Tiercelin, op. cit., p. 84 ; lettre du 10 juin 1839 : « Je courbe la tête, priant Dieu qu’il s’amende ». Il s’agit de quelques peccadilles de Leconte de Lisle, grossies par son oncle en méfaits abominables.
  2. Leblond, p. 63.
  3. Ibid., p. 46.