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Page:Emery - Vierges en fleur, 1902.djvu/180

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VIERGES EN FLEUR

plutôt en rage et furieux… Eh bien, mon cher monsieur, venez ; tout en rôdant sur la grève, je vous apprendrai que votre élève a su profiter de vos enseignements. Je vais marier Luce.

— Marier Luce !

— Mon plan, jugez-en, est parfait. Entre nous, la petite est une pécore que touchèrent très peu votre amour et le mien. Oui, c’est une rusée, ayant très peu de sens, et moins de cœur encore ; son but et son désir, nous n’avions su le voir, ni l’un ni l’autre, est de se marier richement. Toutes les demoiselles aujourd’hui sont ainsi : filles des bons et honnêtes bourgeois de leur siècle, réduites par l’atavisme à des rêves mesquins et châtrées d’idéal, elle ont l’ambition de bien se vendre, dans le mariage. Or, j’ai trouvé pour Luce mieux que tous ses espoirs ; je lui apporte, sur un plat d’argent, le mari qu’il lui faut, un noble du pays, gentilhomme breton, très riche, deux millions !

— Oui, c’est la forte somme. Et la tentation est puissante.

— Aussi Luce a déjà succombé.

— Quoi ! déjà, dites-vous ?

— Mais vous semblez douter… interrogez vous-même la belle demoiselle… Oh ! je sais que d’abord elle songeait à vous. Vous étiez hier encore un excellent parti ; Luce était rensei-