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Page:Emery - Vierges en fleur, 1902.djvu/182

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VIERGES EN FLEUR

berçais puérilement dans le leurre d’un rêve absurde : aimer Luce, être aimé, et vivre désormais avec elle, selon les lois des imbéciles, des bourgeois ! Allons, mon rêve est mort. De profundis, et gai ! gai ! enterrons l’idylle !

Le couple Houdet passait.

— Voyez ! voyez la belle pêche ! cria le mari.

Il montrait à l’abbé une gibecière remplie de homards.

— Je suis allé, raconta-t-il, en compagnie de deux marins, dans les rochers de Ploumanach, et nous y avons fait une récolte superbe. C’est un sport très émotionnant : je pars demain matin, à cinq heures, pour les Sept-Îles ; nous trouverons là-bas des langoustes merveilleuses.

M. Houdet avait pris l’abbé par le bras. Mme Houdet et Philbert marchaient côte à côte.

— Et vous allez aussi en mer ? demanda le jeune homme.

— Non, monsieur. Je ne partage pas les goûts ridicules de mon mari et je ne trouve aucun attrait à ces promenades, dans de mauvaises barques, avec de grossiers matelots. J’ai une nature paresseuse, une nature d’Orientale ; j’aime à rêver langoureusement ; je hais le mouvement. J’adore, le matin, demeurer dans mon lit, en faisant de beaux songes…