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Page:Emery - Vierges en fleur, 1902.djvu/312

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VIERGES EN FLEUR

ami implora ma bouche, je ne résistai pas. Oui, je fus son amante : il posséda mon corps…

« Durant quelques semaines, je vécus dans la splendeur du rêve réalisé. C’était le ciel : des jours et des nuits d’enchantement, d’allégresse. Puis, brusquement, la fin. Je reçus un matin l’adieu de mon amant. Une lettre de lui m’annonçait son départ et notre séparation définitive. Sa famille, me disait-il, refusait son consentement au mariage qu’il avait projeté, qui devait nous unir. Alors, par honnêteté, il avait résolu de me fuir. Ah ! l’honnête homme ! Prendre ainsi tout le cœur, toute la chair d’une vierge, pour y semer le désespoir et la désolation ! Je n’essaierai pas, monsieur, de vous décrire ma consternation. La mort entrait en moi.

« Les jours se sont passés, les mois et les années. Ainsi qu’au premier jour de la brisure, je souffre, je saigne et je ne vis que pour maudire la vie !… »

Philbert aussi souffrait.

De nouveau la jalousie le tenaillait cruellement.

La confession de cet amour l’irritait. Il eût aimé du moins que Marie-Reine maudît le souvenir de l’autre et reniât son amant ! Elle avait bien déclaré qu’il s’était écroulé, l’aimé, dans sa mémoire, et que la haine même ne subsistait