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Page:Emery - Vierges en fleur, 1902.djvu/340

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VIERGES EN FLEUR

je ne veux pas. Je redoute d’attirer sur moi les convoitises et les jalousies… et voici qu’une obscure peur frissonne au fond de mon cœur. Le bonheur insolent qui s’affiche et s’étale excite les convoitises et les haines. Soyons humbles plutôt et cachons-nous, mon cher amant. Notre amour n’a pas besoin, pour resplendir, de décors, d’opulences. Je ne veux être reine que pour toi seul ; pour tout le monde, pour les foules indifférentes, je serai la passante qu’on ignore et qu’on frôle sans même lever les yeux vers elle. Oh ! vois-tu, rien n’est terrible, rien n’est impitoyable comme l’envie : elle assassine, elle détruit. Cachons notre bonheur, reléguons-le au fond de nos cœurs. Il ne faut pas que les méchants le connaissent ; ils ne nous pardonneraient pas, vois-tu, d’avoir conquis la félicité, ils s’acharneraient contre nous. Oui, je frissonne encore, et j’ai peur, et j’ai besoin que tu me prennes dans tes bras, sur ton cœur, en me disant que tu saurais me défendre, que tu éloignerais de moi toutes les attaques, toutes les haines.

— Ma chère bien-aimée, rassure-toi, ne tremble pas ainsi…

— C’est fou, c’est ridicule, en effet. Je ne suis rien qu’une petite femme obscure ; et ce sont mes terreurs mystérieuses d’un autrefois très loin qui me reviennent encore, mais que tu sauras