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Page:Emile Littre - Etudes et glanures - Didier, 1880.djvu/322

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non je suis étant tombé, comme j’ai chanté représente j’ai été chantant, et non je suis ayant chanté.

M. Chabaneau note avec raison que tout autre est le rôle du verbe être dans la voix passive. À proprement parler, il n’existe pas en français de voix passive, le passif latin consistant en désinences spécifiques, comme amor, legar, amer, etc. On y a suppléé par une réunion de l’auxiliaire être avec le participe passif latin. Mais là, dans cette réunion, l’analyse est complète ; tandis qu’au parfait et au futur de l’actif l’auxiliaire avoir ne joue le rôle que d’un affixe, ici le verbe être garde son indépendance entière et la plénitude de sa signification, à côté du participe qui figure avec la fonction d’attribut.

L’actif aussi aurait disparu si une semblable analyse s’y était introduite. Il suffisait de séparer le verbe de l’attribut, et de dire : je suis lisant, j’étais lisant, etc. En cet état il y a une signification active, mais il n’y a plus de forme active, pas plus que dans notre passif il n’y a de forme passive. Cette analyse a pris pied dans la langue anglaise, et l’on y dit I am reading, I was reading ; mais, au lieu de constituer l’actif à l’aide de cet artifice, elle s’en est servie pour établir une nuance dans le présent ou dans le passé : I am reading signifie que je lis en ce moment, tandis que I read signifie que je lis en général. C’est de la même façon que les langues romanes ont employé le verbe habere pour distinguer deux passés dans l’unique prétérit latin, j’ai lu et je lus répondant au seul legi.

Les bonnes théories portent leurs fruits ; et de la sienne, où il considère les auxiliaires avoir et être comme de simples affixes, M. Chabaneau tire une très satisfaisante explication de la manière dont les