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Page:Emile Littre - Etudes et glanures - Didier, 1880.djvu/350

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les exemples rapportés par M. de Jubainville, la réduction à un seul cas avait été opérée dans ces noms. Pourquoi cette anomalie ajoutée à toutes les anomalies qui appartiennent au latin mérovingien ? C’est que la règle moderne , qui détermina tout d’abord la formation des langues italienne et espagnole et n’apparut que plus tard dans la française, commençait dès lors, au sein de la confusion commune, à se faire sentir. Mais pourquoi, derechef et considérant le vieux français, pourquoi cette règle moderne s’y est-elle imprimée de préférence sur une catégorie particulière de mots ? Ceci est plus délicat et plus subtil ; je pense que la cause en est dans le caractère plus ou moins abstrait de cette catégorie. Ils sont moins entrés ou ils sont entrés plus tard dans l’usage général ; et, quand ils y sont arrivés, la règle moderne prenait de plus en plus d’empire. Ils appartiendraient, si je puis ainsi parler, à une formation postérieure ; et cette anomalie dans la langue d’oïl ferait la transition entre la déclinaison à deux cas et la déclinaison sans cas, comme la déclinaison à deux cas fait la transition de la déclinaison classique à six cas.

Si M. de Jubainville reconnaît qu’on l’accusera peut-être d’exagérer l’influence celtique, à mon tour je confesse que je m’expose à être accusé d’une exagération contraire en faveur de l’influence latine. Dans l’universelle invasion qui jeta les Germains sur tout l’occident de l’Europe, ce fut, suivant moi, la langue latine qui empêcha le germanisme de prévaloir. Partout où Germains et Celtes se trouvèrent en face sans intermédiaire, les deux populations ne se mêlèrent pas par la langue, c’est-à-dire que les Germains ne prirent pas le celtique, ni