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Page:Emile Littre - Etudes et glanures - Didier, 1880.djvu/443

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Ce règlement comprenait les vingt-quatre heures de la journée, dont il était essentiel que le moins possible fût donné aux exigences courantes de l’existence. Je m’étais arrangé, en sacrifiant toute sorte de superflu, à avoir le luxe d’une habitation de campagne et d’une habitation de ville. L’habitation de campagne était à Ménil-le-Roi (Seine-et-Oise), petite et vieille maison, jardin d’un tiers d’hectare, bien planté, productif en fruits et en légumes, qui, comme au vieillard de Virgile, dapibus mensas onerabat inemptis. Là, dans une quasi-solitude (car mon village est à l’écart du courant des Parisiens qui s’échappent les dimanches de la grande ville), il était aisé de disposer des heures. Je me levais à huit heures du matin c’est bien tard, dira-t-on, pour un homme si pressé. Attendez. Pendant qu’on faisait ma chambre à coucher, qui était en même temps mon cabinet de travail (vieille et petite maison, ai-je dit), je descendais au rez-de-chaussée, emportant quelque travail ; c’est ainsi que, entre autres, je fis la préface de mon dictionnaire. Le chancelier d’Aguesseau m’avait appris à ne pas dédaigner des moments qui paraissent sans emploi, lui que sa femme inexacte faisait toujours attendre pour le dîner, et qui, lui présentant un livre, lui dit « Voilà l’œuvre des avant-dîners. » À neuf heures, je remontais et corrigeais les épreuves venues dans l’intervalle jusqu’au déjeuner. À une heure je reprenais place à mon bureau, et là, jusqu’à trois heures de l’après-midi, je me mettais en règle avec le Journal des savants, qui m’avait élu en 1855, et à qui j’avais à cœur d’apporter régulièrement ma contribution. De trois heures à six heures je prenais le dictionnaire. À six heures je descendais pour le dîner, tou-