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Page:Emile Littre - Etudes et glanures - Didier, 1880.djvu/451

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atteint toute l’amplitude qu’elle comportait, et l’exécution procédait suivant le modèle idéal.

Idéal ? Ce beau mot appartient-il à l’humble et mécanique travail qui range à la file les vocables d’un lexique ? Eh bien, oui, je ne le rétracte pas. Quand j’eus embrassé l’ample développement de la langue française selon son histoire, et qu’il me sembla qu’un dictionnaire pouvait se régler sur cette grande image, alors un idéal vint qui éclaira mon œuvre.

La refonte, qui avait immensément accru les dimensions du dictionnaire, lui avait en même temps donné un caractère tout spécial qui ne lui laissait plus guère de ressemblance avec les dictionnaires ses prédécesseurs. Aussi, en 1863, M. Hachette, qui se tenait au courant de mes vues et de mes progrès, jugea-t-il à propos de modifier le titre dont nous étions convenus, et qui devint ce qu’il est aujourd’hui. L’étendue du livre fut fixée à deux forts volumes in-quarto à trois colonnes, de deux cents à deux cent cinquante feuilles chacun.

Le dictionnaire se publiait au fur et à mesure de l’impression, par livraisons de vingt feuilles. On calcula que le total en atteindrait vingt-cinq ; mais là encore les prévisions furent dépassées. La matière donnait incessamment un peu plus qu’il m’avait semblé qu’elle donnerait. Non que je me livrasse à des divagations et à des hors-d’œuvre ; mais, en me renfermant strictement dans les lignes tracées, comme je tenais à ne rien omettre d’essentiel ni à ne rien écourter, la copie s’allongeait sous ma plume, non sans exciter mes appréhensions. Je cheminais en effet entre deux préoccupations, entre deux écueils : ne pas rester au-dessous de mon