Page:Emile Littre - Etudes et glanures - Didier, 1880.djvu/452

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cadre, et pourtant ne pas atteindre des dimensions qui rendraient l’œuvre inabordable. Le résultat fut en ma faveur. Le nombre des livraisons s’éleva à trente ; ce qui n’eut rien d’excessif. Un seul embarras en provint ; il fallut apporter quelques. modifications au traité. Ce furent le fils et les successeurs de M. Hachette qui se chargèrent de ce soin ; car, hélas M.Hachette, emporté prématurément par la maladie, ne vit pas, dans les nouvelles conditions, un achèvement qui lui doit tant. Qu’aurais-je fait sans un éditeur si ami, si dévoué, si constant, si résolu contre les hasards et les difficultés ?

J’ai déjà dit que la maison Hachette m’avait fourni diverses avances. Elles montèrent, en fin de compte, à plus de quarante mille francs. Un article du traité de 1863 portait, sans autre explication, que je les rembourserais. Le remboursement allait de soi ; mais je fis observer à M. Hachette que, dans le cas qui paraissait possible à tous, probable à quelques-uns, où le dictionnaire n’aurait qu’un succès d’estime, c’est-à-dire ne réussirait pas et ne rapporterait rien ni à l’éditeur ni à l’auteur, la clause susdite me ruinerait entièrement ; car c’était à cette somme que se montaient à peu près mes économies, faites avec un soin jaloux, afin de laisser, après ma mort, à ma femme et à ma fille un morceau de pain. M. Hachette reconnut incontinent la légitimité de mon observation. La clause fut remaniée et il fut stipulé que ces quarante et quelques mille francs seraient prélevés, non sur mon avoir particulier, mais sur le produit de la vente du dictionnaire. De cette façon, moi et mes économies nous étions à l’abri. Le succès rendit facile le remboursement. Sur le prix que la maison Hachette me payait pour