Page:Emile Littre - Etudes et glanures - Didier, 1880.djvu/454

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de Brest ; à Pouliguen, près de Saint-Nazaire ; à Pléneuf, près de Lamballe, mais le plus souvent à Roscoff, près de Morlaix. J’en revenais, amplement réparé et fortifié, dans mon étroite demeure de Paris. Puis l’hiver se passait ; j’émigrais en hâte à ma campagne de Ménil-le-Roi et là, le grand air, les bois, la verdure, la rivière, les belles prairies, donnaient les meilleures satisfactions à ma vie laborieuse.

J’avais alors, en effet, rue de l’Ouest, aujourd’hui rue d’Assas, un très petit et très incommode logement, mais très bon marché, comme mon mince revenu le voulait, le même que les gens de la Commune occupèrent en mai 1871 pendant trois jours. Des fenêtres ils firent feu sur les Versaillais, qui pénétraient ; puis, quand, tournés là comme ailleurs, ils prirent la fuite, ils eurent soin de ne pas s’en aller sans allumer l’incendie au rez-de-chaussée. La maison flamba ; mais la troupe, arrivant, se rendit maîtresse de l’embrasement, ainsi que dans la maison en face, où logeait M. Michelet, heureusement absent, et que les incendiaires n’oublièrent pas. J’avoue que, sur le moment, j’eus une vive reconnaissance aux soldats. de Versailles d’avoir sauvé mon chétif mobilier, mes livres, mes papiers, mes notes et quelques chers souvenirs. Mais il paraît qu’on a changé tout cela depuis le retour de Nouméa et ses retentissantes ovations. Les chefs et les patrons des amnistiés nous crient à tue-tête que c’est l’armée régulière qui fut criminelle, que les gens de la Commune exerçaient une juste et bonne fonction en incendiant maisons, palais, bibliothèques, Hôtel de ville, et que le misérable intérêt personnel qui me préoccupa pour mon chez-moi