Page:Emile Littre - Etudes et glanures - Didier, 1880.djvu/455

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est ce qui me mit et me met du côté des répresseurs. J’eus et je conserve de plus puissants motifs, et des motifs plus désintéressés, pour soutenir l’action légale qui, par la force militaire, étouffa une sinistre insurrection et rendit Paris à la France. C’est de la politique ? Sans doute ; et comment l’éviterait un homme chez qui par politique on a mis le feu ?

Donc, en cet appartement que la Commune faillit à brûler et avant les désastres du siège, M. Hachette, venant un jour me voir, remarqua les monceaux de papier qui l’encombraient, et qui étaient la partie non encore imprimée de mon dictionnaire. L’étroit voisinage de ces papiers et du foyer de la cheminée le frappa, et l’inquiétude d’un incendie lui vint à l’esprit. « Que pourrait-on faire, me dit-il, pour prévenir une perte irréparable ? Y aurait-il moyen de prendre copie de tout cela et d’en avoir un double ? » J’objectai que prendre copie d’une telle masse serait bien long et bien dispendieux, que les risques de chez moi se doubleraient des risques chez un copiste, et qu’avec une pareille opération purement subsidiaire il y avait lieu d’appréhender des retards qu’il importait tant d’abréger. Sur ce, la proposition en resta là. Mais je demeurai sous l’impression qu’elle avait provoquée, et tout soucieux de l’éventualité d’un sinistre.

Ma sécurité imprévoyante avait disparu ; et je songeai à quelques précautions sinon pour anéantir, du moins pour atténuer les mauvaises chances dont la vive image me faisait trembler. Mon manuscrit était disposé par paquets de mille feuillets. Il se trouva, compte fait, que j’avais deux cent quarante de ces paquets. En conséquence, je commandai huit caisses en bois blanc, capables de contenir chacune trente