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Page:Emile Littre - Etudes et glanures - Didier, 1880.djvu/458

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le-Roi avaient fui ; mais ils ne tardèrent pas à revenir en leurs demeures. Ils songèrent à moi, tout absent que j’étais ; et afin d’empêcher que mon logis ne parût inhabité et ne fût pour cela plus exposé à être mis au pillage par les hommes qui allaient et venaient entre Carrière et Maisons-Laffitte, ils y installèrent un des leurs. J’avais été bon pour eux comme médecin dans leurs maladies ; ils furent bons pour moi comme gardiens et défenseurs de mon chez-moi abandonné.

A Paris, avec mes caisses, autre embarras. Il eût été imprudent et contradictoire au genre de précaution que je cherchais, de les loger en l’appartement que j’occupais au troisième, rue de l’Ouest, car cet appartement était dans le rayon de la portée des canons allemands. Et en effet, deux obus y tombèrent. A la vérité, ces obus (l’un détruisit le mobilier d’une pauvre voisine, mais au quatrième et sur l’autre palier) ne m’atteignirent pas. Dès que les communications furent rétablies entre Paris et Bordeaux, où j’étais alors, un journal annonça que tout avait été mis à mal chez moi ; mais bientôt des lettres rassurantes m’apprirent qu’il n’en était rien. Toutefois ce n’était pas sur de pareils hasards, échappant à toute prévision, qu’il convenait de se régler.

L’odyssée de mes caisses n’était donc pas terminée. Je demandai de les recevoir à la maison Hachette, qui y consentit. Là, elles étaient hors de la portée des obus ; aucun projectile venu de la rive gauche n’atteignit jusque là : On les plaça dans un sous-sol très solide, où elles semblaient à couvert de toutes les injures. Ce fut pourtant en cet abri qu’elles coururent un dernier et sérieux danger.