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Page:Emile Littre - Etudes et glanures - Didier, 1880.djvu/459

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Lors de la reprise de Paris par l’armée, qui exécutait les ordres du gouvernement légal de la France, une bande de gens de la Commune occupa le haut de la rue Hautefeuille, au point justement où sont situées et la maison de M. J.-B. Baillière et celle de M. Hachette. Quand le progrès des troupes de Versailles devint menaçant, ces gens agitèrent derrière leur barricade les sinistres résolutions qui furent mises à exécution en tant de lieux. Ils s’apprêtèrent à allumer l’incendie de ce groupe d’édifices ; mais ils furent dérangés dans leurs desseins, à tort suivant eux, à droit suivant moi, par les soldats, qui les dispersèrent. Les maisons Baillière et Hachette échappèrent à la destruction, mes caisses aussi.

Délivré de souci à l’égard de ce qui me restait à imprimer du dictionnaire, je songeai à moi et aux miens ; et, après de cruelles hésitations entre les différents devoirs, je me décidai à quitter Paris. Je ne pouvais, vu mon âge, servir à la défense, et je pensai rendre un service négatif en débarrassant de bouches inutiles (ce que bien d’autres auraient dû faire) la ville qui allait être investie et affamée. Toutes mes habitudes hors de chez moi étaient en Bretagne. C’est là que nous nous réfugiâmes, moi, ma femme et ma fille. Nous trouvâmes une cordiale hospitalité à Saint-Brieuc, chez M. le docteur Fortmorel, et notre exil adouci. Mais que les journées étaient longues On soupirait anxieusement après le journal de chaque jour, qui n’apporta qu’une fois une bonne nouvelle, celle de la bataille de Coulmiers ; on recevait par ballons quelques lettres qui nous informaient de nos amis, de Paris, de ses souffrances et de la généreuse endurance des Parisiens ; et l’on se reprochait avec amertume le