Page:Emile Littre - Etudes et glanures - Didier, 1880.djvu/462

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et de tout ce qu’à Paris j’avais sous la main, j’étais obligé de faire chaque jour le voyage dont on s’est tant plaint et qui vient seulement de cesser. De la sorte, le milieu des journées m’était enlevé tout entier ; il ne me restait que les matinées, les nuits, les dimanches et les vacances de l’Assemblée. Ces heures dérobées aux devoirs publics, on imaginera sans peine avec quel soin jaloux je les employai, et combien je me réjouis quand je vis qu’elles suffisaient.

Ce fut à la fin de cette année 1872 que ma santé commença de s’altérer profondément. Je fus pris de petites fièvres ; un catarrhe s’établit dans les voies nasales et respiratoires et ne m’a plus quitté ; les ongles des mains devinrent malades et tombèrent les uns après les autres. Le temps ni les soins médicaux n’apportèrent aucun soulagement : le temps, qui, au contraire, aggravait chaque jour le poids de la vieillesse ; les soins médicaux, qui ne trouvaient aucun appui dans une constitution tombant en ruine. Et en effet, loin de s’amender, mon état, après avoir ainsi duré d’une façon pénible, mais supportable, se compliqua d’un rhumatisme qui me causa et me cause de grandes douleurs, et qui, lui aussi, prit le caractère de permanence des premiers et toujours persistants accidents. Peu à peu je fus tout à fait confiné dans ma chambre, presque cloué sur mon fauteuil, et je représentai assez bien le misérable Scarron que nous connaissons, avec un peu moins d’impotence peut-être, mais sûrement avec un opiniâtre catarrhe en plus, conservant comme lui la lucidité d’esprit, et l’employant comme lui aux distractions du travail intellectuel. J’ai attentivement examiné, au point de vue médical, si j’étais en droit