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Page:Emile Littre - Etudes et glanures - Didier, 1880.djvu/463

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de rattacher les souffrances qui assaillent la fin de mon existence, au genre de vie que j’ai mené durant les quinze dernières années de mon dictionnaire ; et il m’a été impossible d’y apercevoir aucun lien de cause et d’effet. Bien des gens ont travaillé et travaillent autant que moi, sans être en proie à la pathologie compliquée qui s’est emparée de ma personne. Ma détérioration n’a rien présenté de graduel, comme eût fait un surmenage progressif elle m’a envahi d’emblée ; et, quant au rhumatisme final qui s’y est adjoint et qui m’a fait le triste pendant de l’auteur du Virgile travesti, on raconte que le pauvre diable dut son mal à une farce imprudente qui l’exposa sans défense à l’influence du froid. En considérant mon histoire pathologique, je suis disposé à m’en prendre, aussi bien pour le rhumatisme que pour ce qui l’a précédé, à une hérédité fâcheuse. Mon grand-père paternel, bien que mort très âgé (quatre-vingt-neuf ans), fut tourmenté pendant bien des années par la goutte ; mon père, qui n’atteignit pas à beaucoup près l’âge du sien, eut des attaques de gravelle, à l’une desquelles il succomba ; et l’on sait médicalement que la goutte et la gravelle ont entre elles de la parenté. À mon tour, je suis en proie à des troubles généraux et dyscrasiques, et surtout au rhumatisme, lié, lui aussi, à la diathèse goutteuse. J’innocente donc le dictionnaire de toutes les perversions organiques qui m’affligent.

La maladie, qui ne m’a plus quitté, me causa, au moment de l’achèvement, avec lequel son invasion coïncida, un désappointement petit sans doute, mais qui me fut sensible. Mon dessein était de réunir à un repas de félicitation et d’adieu mes collaborateurs,